Rencontre avec les maires et Cissé Bacongo : « La liste des 176 Zones à risque comporte des zones qui ne sont plus à risque notamment Anono » (Cissé Bacongo)... « Le ministre gouverneur que je suis n’ira jamais sur un terrain qui n´est pas le sien et il n´y aura jamais de conflit entre nous » (Bacongo). Voir le lien : https://abidjan.district.ci/fichiers/LISTES-DES-ZONES-A-RISQUES-Synthese.pdf   ◊    « Les sites à risques ne sont pas des sites à déguerpir, à démolir, il s´agit des sites sur lesquels se trouvent un risque d’inondation, d´éboulement(...) Il s´agit de régler des soucis sur ces sites» (Cissé Bacongo)… Côte d’Ivoire/Projet d´Aménagement des Quartiers Restructurés d´Abidjan (PAQRA): « Aucun décaissement n’a été fait depuis deux ans que les accords ont été signés » ( Conseil des Ministres). Voir le lien : https://abidjan.district.ci/fichiers/LISTES-DES-ZONES-A-RISQUES-Synthese.pdf    ◊   
L´HISTORIQUE

L’ORIGINE DU NOM ´´ABIDJAN´´

 

L’origine du nom de la ville se prête à différentes interprétations. La légende raconte qu’un jour, une femme qui coupait des feuilles d’arbre rencontra des colons cherchant leur chemin. Ces derniers lui demandèrent alors le nom du lieu où ils se trouvaient. Ne comprenant pas leur langue, la femme crut qu’ils voulaient savoir ce qu’elle faisait là. Elle répondit simplement « Min-tè m’bidjan », ce qui signifie, en Ebrié, « je coupe des feuilles ». Les Européens ne comprirent pas et pensèrent que la femme avait répondu à leur question : ils retinrent donc le mot «  abidjan ».

Le mot « Abidjan » doit vraisemblablement son origine au nom du peuple qui occupait les lieux : les Bidjans. Le préfixe « a » est utilisé pour indiquer l’appartenance au lieu : « Abidjan » signifie donc « le pays des Bidjans ».
 

LE PEUPLEMENT
 
Les premiers occupants des berges de la lagune, qui formeront la future Abidjan, sont difficilement identifiables. Néanmoins, les archéologues datent les plus anciens vestiges d’habitations de -10 000 à -15 000 ans avant Jésus-Christ. Puis, c’est la tradition orale des ethnies qui nous renseigne sur l’histoire des Abidjanais.
Les premiers peuples connus à s’être installés autour de la lagune sont les Tchassas et les Blékégonins. On ne possède que peu d’informations à leur sujet pour la simple raison qu’ils sont éteints aujourd’hui : les Tchassas auraient succombé à une maladie inconnue et les occupants suivants les Bidjans.
 

LES BIDJANS
 
Les Bidjans, peuples issus de l’ethnie des Tchamans (ou Ebriés), font partis des premières populations à avoir occupé les lieux de la future ville d’Abidjan. « Tchaman » le nom que s’attribue le peuple, signifie « peuple élu ». Aujourd’hui, il est davantage désigné sous l’appellation « Ebrié ». Les Tchamans sont divisés en groupes ou fratries, appelés les « goto », qui forment 60 villages.
 
La future ville d’Abidjan s’est étendue suivant leur emplacement. Leurs noms sont les Bidjans, les Bobos, les Diepos, les Niangons, les Kwés et les Nonkwas. Le goto des Bidjans se scindera pour former les Bidjans et les Yopougons, et ces derniers donneront leur nom à l’une des communes actuelles du District. A son tour, le goto des Bobos deviendra les Songons et les Badjins. Un dixième groupe, les Bias, sera ensuite assimilé aux Tchamans.
A l’origine, les Bidjans sont un peuple de chasseurs. La tradition orale rapportée dans l’œuvre d’Henriette Diabaté et Henri Kodjo, Notre Abidjan, raconte, qu’un jour, deux hommes s’étant aventurés loin du village, au bord de la lagune, rencontrèrent des pêcheurs qui leur offrirent du poisson. De retour de cette excursion, ils racontèrent leur aventure et les Bidjans décidèrent d’envoyer des volontaires en formation afin qu’ils apprennent l’art de la pêche pour approvisionner le village. Le peuple Bidjan s’installa ensuite définitivement sur les bords de la lagune.
 

L’ARRIVEE DES EUROPEENS
 
Les Portugais João de Santarèm et Pedro Escobar sont les premiers à établir une présence commerciale sur les côtes ivoiriennes, en 1470-1471. Ils sont les seuls Européens présents sur le territoire de l’actuel pays jusqu’au XVIème.
Les Hollandais se joignent à eux à la fin du XVIème, suivis par les Français et les Anglais au XVIIIème siècle. Les Français s’établissent en 1687 à Assinie, à 80 kilomètres à l’est d’Abidjan, et en repartent 23ans plus tard. Les relations commerciales se poursuivent néanmoins et, en 1843, les sites d’Assinie  et de Grand Bassam, situés sur le côte occidentale de l’actuelle Côte d’Ivoire, respectivement  à 80 et 40 kilomètres d’Abidjan, accueillent les premiers comptoirs français. Après la colonisation de l’Algérie en 1830, la France se donne pour ambition d’étendre sa domination en Afrique. Déjà présente majoritairement en Afrique occidentale, elle renfonce ainsi son contrôle sur le continent.
 

L’INSTALLATION DES FRANCAIS
 
En 1842, les Français signent un traité faisant de la région de Grand-Bassam un protectorat. Plus tard, ils s’installent définitivement sur le territoire. Le décret du 10 mars 1893 fonde la Côte d’Ivoire en tant que colonie française autonome. Les colons de la métropole choisissent en premier lieu pour capitale la ville de Grand-Bassam, située à quarante kilomètres à l’est d’Abidjan. Grâce à son ouverture sur la mer, elle est une porte d’entrée sur le territoire et le point d’ancrage des échanges commerciaux du pays avec la France. Cependant, son statut de capitale intérimaire prendra fin au bout de six ans en 1899.
 
La France recherche alors une nouvelle capitale. Le site d’Abidjan, à l’emplacement actuel du District, qui avait déjà retenu les faveurs d’une équipe à la recherche d’un nouveau port, remporte les suffrages. Dans l’attente de doter la future capitale des infrastructures adéquates, le chef-lieu provisoire est installé à Bingerville, nommée ainsi en hommage à Gustave Binger, premier gouverneur de la colonie en Côte d’Ivoire. La transition est assez complexe : « la colonie connaissait une situation étrange ; elle disposait de trois capitales : Grand-Bassam, capital économique, Abidjan, futur chef-lieu, et Bingerville, capitale intérimaire ».
 
La construction du port d’Abidjan reste la condition sine qua non du transfert de la capitale. Les travaux sont retardés par les conditions climatiques et géologiques du site : l’ensablement continuel perturbe fortement la bonne marche du projet. L’aménagement d’Abidjan est sans cesse repoussé, redonnant à Bingerville, capitale provisoire, et Grand-Bassam, détrônée, une raison de croire à leur retour en grâce.
 

LA TROISIEME CAPITALE DE LA COTE D’IVOIRE
 
Future capitale prépare des atouts.
Dès 1903, sont construits, sur le site du quartier du Plateau d’Abidjan, les services des Douanes, la Poste, le Télégramme et le Téléphone. Puis, l’Armée et l’Eglise Catholique s’installent. La construction d’une zone destinée à recevoir les entreprises commerciales débute sur le Plateau. Les populations locales sont déplacées et leurs habitations rasées. Vers 1935, la ville d’Abidjan s’étend sur tout l’espace compris entre la baie du Banco et celle de Cocody. Les Tchamans se sont retranchés à Adjamé et Anoumabo et dans d’autres zones concédées par l’administration coloniale.
 
Après un arrêt du développement de la ville causé par les difficultés de construction du port et du canal, l’essor reprend grâce à la décision du Conseil de Gouvernement de l’AOF (Afrique Occidentale Française) du 28 novembre 1920, qui officialise le projet de faire d’Abidjan le chef-lieu de la colonie. La construction du wharf de Port-Bouët s’achève en 1927. Il est relié au chemin de fer en 1931. La finalisation de ce dernier projet représente une étape importante de l’accession d’Abidjan au rang de capitale. La ville se dote de son premier plan urbain en 1928. Il trace les rues des quartiers d’Anoumabo, aujourd’hui Treichville, du Plateau et de Cocody.
 

ABIDJAN CAPITALE
 
Après Grand-Bassam et Bingerville, Abidjan devient officiellement le chef-lieu de la colonie, le 1er juillet 1934, par décret du 18 août 1933. Grâce à la construction du port et du whart à Port-Bouët, Abidjan qui compte alors 22 000 habitants, est déjà la capitale économique du pays. Le Pont Houphouët-Boigny, qui relie Treichville au quartier du Plateau, est ouverte en 1957.
L’ouverture au trafic du canal de Vridi et du port, en 1950 et 1951, conforte ce positionnement. La zone portuaire nécessite une main-d’œuvre nombreuse pour assurer ses activités économiques. Il faut donc prévoir de nouveaux espaces pour loger les ouvriers et également pour procéder à l’assainissement de Treichville, mené en 1953.
 

LA CONSTRUCTION DU CANAL DE VRIDI : UNE EPOPEE
 
En 1903, la construction d’un canal reliant Abidjan à Vridi, soit la lagune Ebrié à l’océan Atlantique, débute. Le chantier était rendu difficile par ce que les ingénieurs avaient appelé « le trou sans fond », qui aspirait le sable. Il s’avéra que ce phénomène géologique fit l’effet inverse : il rejeta toujours plus de sable, rendant impossible la poursuite du creusement du canal. En 1905, eut lieu l’effondrement de tout ce qui avait été construit durant deux ans.
 
On trouva une alternative au projet initial : Construire un canal entre la lagune Ebrié et l’océan pour les bateaux à forte contenance. La construction commença en 1912, mais fut bientôt freinée par la première Guerre mondiale, puis paralysée par la farouche opposition des commerçants au projet.
 
Paallèlement, les études autour de Vridi se poursuivent, la difficulté étant d’éviter le « trou sans fond » en 1919, deux ingénieurs présentent une nouvelle solution : relier Vridi à Abidjan par un canal construit loin du « trou sans fond » et édifier le port dans la baie du Banco. Cependant, tous les projets de construction sont abandonnés en 1923 par décision du Gouverneur Antonetti et de l’Inspecteur général Ficatier.
 
En 1927, l’entreprise Schneider-Daydé est chargée d’étudier le projet. Dans son rapport, elle propose l’édifice d’un canal de 150 mètres de large, à l’endroit où le cordon littoral se rétrécit, loin du « trou sans frond ».
La solution finale fut trouvée par Roger Pernlad-Considère, qui suggéra de construire le canal 3 kilomètres à l’est de l’emplacement proposé par les études de Michel et Noël et de Schneider-Daydé. Son projet fut testé dans un laboratoire hollandais, puis adopté officiellement le 17 décembre 1935. Le canal serait d’une largeur de 200 à 370  mètres d’une longueur de 2,7 kilomètres et d’une profondeur de 11 à 15 mètres.
 
La construction débutera enfin en 1936, menée par l’entreprise de Construction du Port d’Abidjan (CPA) qui regroupait plusieurs sociétés. Après une interruption causée par la Seconde Guerre mondiale, les travaux reprirent et le canal fut ouvert le 23 juillet 1950, et le port le 1er janvier 1951. Il s’agissait du premier canal en eau profonde de toute l’Afrique d’après : « Notre Abidjan » d’Henriette Diabaté et Léonard Kodjo, édition Ivoire Média, 1991.
 
Abidjan a ensuite fait l’objet d’importants plans d’urbanisme. L’enjeu était en effet, à cette époque, de prendre en compte les besoins des Africains et pas seulement ceux des colons. En effet, l’inégalité était grande entre le confort des quartiers résidentiels des Français et les zones d’habitations des travailleurs ivoiriens. Pour remédier à cela, la France crée un Comité de l’urbanisme et de l’habitation des territoires de l’Outre-mer, qui prône le droit à un logement décent pour tous. Dans ce cadre, deux grands projets d’urbanisme voient le jour : le plan Badani et le plan SETAP.
 
Le plan Badani, mis en application à partir de 1952, prévoit le développement de la ville afin qu’elle devienne une grande agglomération portuaire. Le projet vise à étendre les espaces d’habitation dans les quartiers de Marcory, Treichville, Adjamé et Cocody, et à élaborer de grandes zones industrielles à Petit-Bassam, Vridi et sur la rive ouest de la baie du Banco.
Le plan SETAP est approuvé en 1960 et vise à structurer l’agglomération qui se développe. Il prévoit l’extension de la ville selon un schéma est-ouest le long de la lagune Ebrié et non plus selon un schéma nord-sud. Il préconise également l’arrêt de l’occupation des zones insalubres et inondables de petit-Bassam ainsi que l’extension des secteurs dédiés à l’habitation dans les quartiers du Banco, de Cocody et de la Riviera. Il vise enfin à la restructuration du Plateau en centre des affaires d’Abidjan, par la construction d’un axe de quatre kilomètres de long. Le plan est rapidement rendu obsolète par l’ampleur du développement de la ville, notamment avec la construction de zones d’habitation spontanées au nord d’Abidjan et d’Abobo.
 
A l’aube de l’indépendance, la ville connaît un formidable essor économique. La construction du port et du canal de Vridi, avec l’ouverture du pont Houphouët-Boigny et l’inauguration des 1 152 kilomètres de voies de chemins de fer jusqu’à Ouagadougou, donnent un nouvel élan au développement d’Abidjan. La ville devient le lieu d’échanges privilégié entre l’Afrique de l’ouest et l’Europe, tandis que le port connaît une fréquentation en perpétuelle croissance. Abidjan attire de nombreuses maisons de commerce, qui y installent leur siège (CEAO, CFI, etc.). La ville est devenue une véritable agglomération.
 

LA « PERLE DES LAGUNES » LES ANNEES FASTES
 
« Pour les poètes, Abidjan est avant tout la «Perle des Lagunes », de ces lagunes qui poussent leurs baies profondes en dentelles jusqu’au cœur de la forêt, à plus de trente kilomètres des blancs rouleaux de la barre. Ces lacs immenses, aux rives se perdant sous l’échevellement des palétuviers, sont sillonnés de fragiles pirogues de pêcheurs lancent leurs filets, de leurs cargos transportant du minerai, de petits bateaux à moteur chargés de passagers allant d’un village à l’autre, cachés sous les bananiers géants, les cocotiers aux larges feuilles bruissantes et les manguiers aux branches ployant sous le poids des fruits dorés. » L’indépendance de la côte d’Ivoire est proclamée le 7 août 1960 et marque le début des fonctions de Félix Houphouët –Boigny en tant que Président de la République. Il sera le Chef de l’Etat jusqu’en 1993. Abidjan devient donc capital de la République de Côte d’Ivoire et la vitrine du tout nouveau pays. La ville, désignée alors sous le nom de « Perle des Lagunes » entre dans une période faste, dynamisée par ce que l’on appelle le « miracle ivoirien
 

Un pays « QUI FAIT BOOM»
 
De 1960 à 1983, la Côte d’Ivoire culmine en tête du palmarès des pays africains grâce à une croissance en perpétuelle hausse. « On citait notre pays en exemple, pour l’admiration ou le critiquer, l’on parlait du « miracle ivoirien ».
Grâce à son climat politique serein, qui contraste avec celui des pays voisins, la Côte d’Ivoire inspire pleinement confiance. Les investisseurs étrangers sont très présents, favorisant ainsi la croissance des secteurs clés de l’économie ivoirienne, qui se base essentiellement sur l’exportation de ses matières premières agricoles. Le produit intérieur brut ivoirien passe de 130 milliards de FCFA en 1960 à 1900 milliards de FCFA en 1979.
 
La Côte d’Ivoire, premier pays exportateur de cacao et de café au monde, bénéficie du cout élevé des matières premières, dont le sommet est atteint dans les années 1975-1977. Les cours mondiaux du cacao sont alors multipliés par trois, et ceux du café quadruplent. Outre ces deux denrées, le pays s’appuie également sur la production de cocotiers, du coton, de caoutchouc, d’hévéas, de palmiers à huile… Le cacao domine largement les exportations et affiche un total de 456 000 tonnes en 1982. Pour la même année, la production de café atteint 452 000 tonnes. De même, la Côte d’Ivoire produit, toujours en 1982, 345 000 tonnes de coprah issues des 30 000 hectares de plantations de cocotiers. La culture du coton s’élève à 136 000 tonnes et celle de l’hévéa à 20 000 tonnes. Enfin, la production des palmiers à huile enregistre 700 000 tonnes de régime, toujours pour l’année 1982. A ces cultures s’ajoutent l’ananas, la canne à sucre, le bois…
 
Dans son rapport au VIIIème Congrès, le président de la République, Félix Houphouët-Boigny dresse ainsi le bilan de ces années : « la valeur ajoutée de la production agricole est passée de 69,4 milliards en 1960 à 1 028 milliards en 1985. La valeur des exportations agricoles est passée de 294,6 milliards en 1985 à 39,3 milliards en 1960. Les revenus distribués aux planteurs s’élèvent à 415 milliards en 1985 contre 20 milliards en 1960.
 

ABIDJAN BRILLE 
 
La ville d’Abidjan abrite le siège de la présidence et devient, lors de l’Indépendance, le centre administratif et des affaires de la Côte d’Ivoire. Elle abrite également les ministères et l’Assemblée nationale. Par ailleurs, la résidence présidentielle est située dans le quartier résidentiel de Cocody.
De 250 000 habitants, quatre ans après l’Indépendance, Abidjan passe à 500 000 en 1971, puis 1 200 000 en 1977 pour atteindre 2 millions et demi en 1985.
 
A l’image de la Côte d’Ivoire, la ville connaît un développement économique impressionnant. Lieu d’échanges privilégié entre l’Europe et l’Afrique de l’Ouest, elle est le cœur des affaires entre l’Afrique occidentale et le monde entier. « Abidjan est le pôle économique non seulement de la Côte d’Ivoire, mais de toute une région incluant au moins le Burkina Faso et le Mali. ». Son port, qui sert de lieu de transit aux produits ivoiriens, et notamment au cacao et café, donne à l’économie abidjanaise un réel dynamisme. La ville abrite également le siège d’Air Afrique, compagnie multinationale, qui enregistrera un trafic de 900 000 passagers en 1995. C’est aussi le point de départ de l’unique chemin de fer de l’ouest africain, qui relie Abidjan à Ouagadougou. En outre, elle se dote d’un réseau routier efficace, qui permet de relier de manière optimale l’intérieur au port. En 1970, Abidjan compte 1 000km de routes, et en 1995, 5600km
 
Près de 60% du parc industriel ivoirien est regroupé sur le site portuaire d’Abidjan. Le secteur agroalimentaire représente près de 75% de l’industrie ivoirienne, dominée par le secteur agricole. Viennent ensuite le secteur emballage, les filières bois, textile, chimique, et les matériaux de construction. La ville ambitionne alors également de devenir incontournable dans le raffinage et la distribution du pétrole. Enfin, Abidjan est la plus importante place financière de la sous-région, avec près de vingt établissements bancaires.
 
Enfin, son allure, à l’architecture moderne, impressionne fortement ses visiteurs : « L’une des plus belle capitale d’Afrique noire(…) il y a tant à admirer. Qui résisterait à l’appel de cette magnifique silhouette du Plateau, à l’ouest, sur fond de soleil couchant, aux allures étonnamment futuristes ? Voici, tout en vrac… une cité administrative sans rivale de cinq somptueuses tours mordorées de 24 à 30 étages qui ne suffisent encore pas à regrouper tous les ministères ; toute une batterie d’élégants gratte-ciels (…) ; l’immeuble Alpha 2000 ocre-rouge aux arcades penchées ; le Centre de Commerce Internationales et ses 28 étages… ».
 

LES ANNÉES DIFFICILES
 
Au faste succèdent des années difficiles. De 1980 à 1993, le pays fait face à sa plus grave période de crise économique. De 1977 à 1993, le produit intérieur brut ivoirien enregistre une chute de 3,70% par an, d’après les données de la Banque Mondiale.
 

UNE CRISE ECONOMIQUE ET FINANCIÈRE  
 
La forte chute des cours mondiaux des matières premières est l’un des facteurs à l’origine de la crise économique. Entre 1978 et 1986, le cours du cacao connaît une baisse de 40%. Les importations continuent au même rythme, alors que les exportations perdent de leur valeur, ce qui entraîne, à partir de 1979, un déficit de la balance commerciale, jusqu’alors largement excédentaire. L’Etat ivoirien doit pallier cette baisse des recettes et se voit contraint de fortement augmenter ses investissements. A ce moment là, la Côte d’Ivoire à débuté de nouveaux et coûteux chantiers, à l’instar de la complète transformation de la ville de Yamoussoukro, ville natale de Félix Houphouët-Boigny, qui a été choisie pour devenir la prochaine capitale politique du pays. L’Etat doit alors trouver de nouveaux financements.
En outre, l’Etat doit faire face à une baisse de l’épargne privée et des recettes d’exportation. En 1980, la balance commerciale enregistre un déséquilibre qui atteint près de 18% du produit intérieur but, alors que le service de la dette représente près de 40% du PIB.
 

LES SOLUTIONS APPORTÉES PAR LES POUVOIRS PUBLICS
 

Pour la période 1981-1983, l’Etat engage un programme d’ajustement structurel conçu avec le soutien du Fonds Monétaire International. Il vise en priorité à assainir les finances et à restructurer les sociétés d’Etats. Les investissements publics passent alors de 15,6% du PIB à 6,2%. Un deuxième programme vient compléter ces mesures d’ajustements réalisés (hausse des impôts directs et des droits de douane) ne sont pas suffisants pour permettre un redressement durable du pays. Des éléments extérieurs aggravent la situation : hausse du dollar, augmentation des taux d’intérêt qui ont pour effet d’alourdir la dette, dégradation des termes de l’échange, sécheresse de 1983, qui entraîne 50% de pertes sur les récoltes…

L’année 1985 marque une brève bouffée d’air dans un contexte compliqué. Les cours du cacao remontent progressivement, et l’économie reprend peu à peu. Mais en 1986, les termes de l’échange subissent une nouvelle dégradation, qui altère à nouveau les cours du cacao et du café. La Côte d’Ivoire entre alors une nouvelle fois en récession. La diversification des ressources est, plus que jamais, une priorité de l’Etat.
 
Les années suivantes voient la signature d’un accord de prêt avec le FMI. Les conditions sont notamment la baisse importante du prix d’achat du cacao aux producteurs (de 400 FCFA à 250 FCFA), la reprise des remboursements de la dette et la réduction de 25% des dépenses. En 1994, le FCFA est dévalué de 50% par rapport au franc français, et le pays s’engage alors dans une période de forte reprise économique. 
 

ABIDJAN DANS LES ANNÉES 80-90
 

En tant que capitale économique, Abidjan subit de plein fouet la crise des années 80. Puis, en mars 1983, elle est détrônée par Yamoussoukro qui devient capitale politique et administrative de la Côte d’Ivoire.

Les difficultés économiques rejaillissent sur la ville. Les chantiers sont ralentis et le développement de la ville, freiné. Les travaux de l’aéroport, par exemple, prévus pour 1984, et qui devaient coûter 120 milliards de FCFA, sont retardés. La crise amène son lot de migrants, partis de la campagne pour trouver du travail dans la grande ville.
 
Cependant, le dynamisme et la position centrale d’Abidjan continuent à renforcer son attrait. Dans  les années 90, elle suscite toujours l’admiration des visiteurs. Elle compte alors près de 20% de la population ivoirienne et s’étend sur environ 55 000 hectares. Abidjan reste le lieu de concentration des échanges : portuaires d’abord, avec  le transit de 323592 tonnes de cacao et de 169 020 tonnes de café en 1988, et aéroportuaires, avec près de 22 compagnies représentées. Les transports publics se développent. La SOTRA, compagnie de bus, comptait seulement 27 cars en 1960, alors qu’elle en dénombre 1 033 en 1979, pour atteindre 1 208 en 1987. La compagnie transporte près de 293 millions de passagers à cette date.
 
Les luxueux sièges des institutions bancaires sont toujours présents sur le Plateau. Le secteur des services emploie, dans les années 1980, près de 70% de la population abidjanaise et représente environ 43 200 emploies. En 1987, il compte pour 50,7% du PIB du pays. Le secteur secondaire est également très représenté à Abidjan, qui accueille 70% du parc industriel ivoirien. Ses principales filières sont l’agroalimentaire, la transformation du bois, la production du caoutchouc, les matériaux de construction, le matériel de transport et la petite métallurgie, auxquels s’ajoutent de petites usines d’industrie chimique. En 1986, l’industrie ivoirienne enregistre 1 535 milliards de FCFA de chiffre d’affaires, dont 1 000 milliards pour Abidjan.
 
Après 1994 et la dévaluation, l’économie abidjanaise reprend. Par la suite, le 22 octobre 1995, Henri Konan Bédié est élu président de la République, après avoir assuré la présidence par intérim pendant deux ans. Mais la fin de l’année de troubles politiques.
 

LES ANNÉES SOMBRES
 

A la veille de l’an 2000, le Général Robert Gueï fomente un coup d’Etat et renverse le pouvoir en place. Dès le mois d’octobre 2000, il organise des élections mais sera battu par Laurent Gbagbo, du Front Populaire Ivoirien, et refuse de reconnaître les résultats, ce qui va provoquer de nombreux heurts entre leurs partisans respectifs. Dès son accession à la magistrature suprême, Laurent Gbagbo engage un processus de réconciliation nationales afin d’apaiser les tensions. En septembre 2002, des militaires rebelles prennent le contrôle des villes de Bouaké et de Korhogo, situées dans le centre et le nord de la Côte d’Ivoire. Le mouvement rebelle s’étend progressivement à toute la moitié nord, et divise ainsi le pays en deux. Cette scission dure jusqu’en 2007, date des accords de paix de Ouagadougou, qui rétablissent le dialogue entre les deux parties. 

En octobre 2010, dix ans après la dernière élection présidentielle, une nouvelle élection est organisée. Deux candidats sont proclamés vainqueurs : Laurent Gbagbo, selon le Conseil constitutionnel, et Alassane Ouattara, selon les représentants de l’Union européenne et de l’ONU. La communauté internationale demande au président sortant de se retirer, mais se voit opposer une fin de non-recevoir. Dès décembre 2010, de violents affrontements opposent les partisans de chacun des candidats. La crise postélectorale prend fin en avril 2011. Le 4 mai, le Conseil constitutionnel proclame monsieur Alassane Ouattara president de la République de Côte d’Ivoire. Le pays émerge alors d’une sombre période, qu’il veut oublier aujourd’hui.